Aoste ou l’Italie francophone

L’Italie est un pays relativement récent à l’échelle européenne. Si, bien sûr, les italiens revendiquent l’héritage des romains, la réalité fait état d’un pays qui s’est construit au XIXe siècle par une unification plus ou moins forcée de provinces hétéroclites : le Risorgimento.

À l’issue de cette unification, l’italien n’était pas la lingua franca de la nouvelle nation puisque dans de nombreuses parties du territoire étaient parlés le frioulan, l’allemand, le ladin et … le français.

Une région italienne francophone

Il est en effet une région d’Italie qui fut jusqu’à il y a 50 ans encore majoritairement francophone. L’arpitan, une variante locale du franco-provençal, y était alors parlé depuis plusieurs siècles, depuis sa prise de possession par les Bourguignons (Xe siècle) puis, surtout, par la maison de Savoie (XIIIe siècle). L’ancrage du français se retrouve ainsi dans les toponymes. Ainsi la majorité des villes, des villages, des cours d’eau, des montagnes et autres lieux-dits sont en français. Chose amusante, la Vallée d’Aoste a choisi le français comme langue officielle en 1536, soit trois ans avant que la France ne fasse la même chose.

Mussolini a bien entrepris une italianisation forcée de la région, mais les noms français ont tenu (à l’inverse de ce qui s’est passé dans le Südtyrol). Et aujourd’hui encore, il est surprenant de lire une carte (même en italien) de la région. Ci-dessous un extrait de la version italienne de google maps dans la région :

Pré-Saint-Didier, Antey-Saint-André, Valpelline, Chef-Lieu, Champdepraz ou Valgrisenche sont autant de communes italiennes.

Zoom sur la région (Google Maps)

 

De Gaulle laisse Aoste aux italiens.

Il fut question d’envisager l’annexion française du Val-d’Aoste à la fin de la seconde guerre mondiale. Mais devant les difficultés de liaison entre cette vallée et le reste de la France, cette idée fut abandonnée par le Général de Gaulle qui écrivit :

« Quant au Val d’Aoste, nous aurions eu les meilleures raisons ethniques et linguistiques de nous l’assurer. Nous y rencontrions d’ailleurs, lors de la venue de nos troupes, le désir presque général d’appartenir à la patrie française. Mais, comme pendant huit mois de l’année, les neiges du mont Blanc interrompent les communications entre la France et les Valdôtains dont l’existence est, de ce fait, liée à celle de l’Italie, nous avions pris le parti de ne pas revendiquer la possession de la Vallée. Il nous suffirait d’obtenir que Rome en reconnût l’autonomie. »

C’est ce qui arriva. Le Val d’Aoste est aujourd’hui une région italienne autonome. Le bilinguisme italien/français est obligatoire à l’école et les habitants ont la possibilité d’avoir une carte d’identité italienne rédigée dans les deux langues. Cependant, d’un point de vue démographique, les italophones ont progressivement remplacé les francophones du fait de l’importance nationale de la langue italienne et de sa culture. Alors que les francophones représentaient 95 % de la population en 1900, les italophones représentent aujourd’hui 97 % de la population, même si les 3/4 parlent également le français et la moitié l’arpitan (la variante locale du français).

 

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