La frontière Belgique/Pays-Bas à Baerle : Le cafouillage flamand

Suite au précédent article sur les enclaves et exclaves, j’ai brièvement mentionné le cas de Baerle. Il s’agit du cas de frontières le plus complexe existant aujourd’hui.

La simple image ci-dessous va vous faire comprendre pourquoi.

La ville de Baerle est divisée en deux : Baerle-Duc du côté belge et Baarle-Nassau du côté néerlandais. Mais, à l’inverse d’un cas classique où une ville est divisée en deux par une ligne plus ou moins droite et régulière, Baerle est éclatée en une multitude de morceaux. 23 morceaux pour être précis (sans compter les autres morceaux plus proches de la frontières ne figurant pas sur ma carte et en comptant les enclaves situées sur le village de Loveren). 16 morceaux sont des enclaves belges aux Pays-Bas, 7 sont des contre-enclaves néerlandaises au sein même des enclaves belges.

Aujourd’hui, la logique et l’usage imposent aux frontières internationales d’être claires et précises afin de faciliter la souveraineté, la gouvernance, l’administration, etc.  Depuis le traité de la frontière Indo-Bangladaise de 2015, Baerle constitue le dernier exemple de frontière de ce type au monde.

Des origines antérieures à l’existence de la Belgique et des Pays-Bas

Outre son maintien à travers l’histoire, ce qui est particulier avec cette frontière est son origine ancienne. La genèse de ces enclaves a lieu au XIIe siècle, quand le deuxième baron de Bréda, Godfried II van Schoten, reconnut (par calcul politique) le droit de propriété du comte de Hollande Thierry VII de Hollande sur la baronnie de Bréda. Une exception a été faite pour certains terrains autour de la ville de Baerle. La répartition s’est grosso modo faite ainsi : les parcelles habitées (et taxables) pour Thierry VII ; les terres inexploitée pour Godfried II. Ces enclaves ont traversé les époques, certaines tentatives furent faite lors du rattachement de la Hollande à l’Espagne ou plus tard par l’empereur Joseph II. Aucune ne fut couronnée de succès à cause des vicissitudes de l’histoire. La tentative de Joseph a par exemple été interrompue par le déclenchement de la révolution française, la France étant limitrophe et possédant alors une kyrielle de territoires et d’enclaves assez proches. Joseph préféra attendre puis finit par passer à autre chose.

La seconde guerre mondiale voit l’unique résolution temporaire de ce problème, quand l’occupant allemand imposa par sa gestion du territoire le rattachement de Baerle-Duc aux Pays-Bas. La guerre terminée, le statu quo ante bellum reprit son cours.

Une nationalité définie par la position de la porte d’entrée.

Aujourd’hui, malgré quelques ajustements à la marge en 1995, les choses restent telles qu’elles. Ces ajustements ont néanmoins apporté leur lot d’histoires assez cocasses. La frontière passant au travers de certaines bâtiments, c’est souvent la position de la porte d’entrée qui détermine la nationalité de la … maison. Lorsque le cadastre a été définitivement fixé cette année là, un belge s’est retrouvé avec sa porte d’entrée du côté des Pays-Bas. Voulant éviter tous les problèmes administratifs qu’impliquerait un changement de nationalité, il changea sa porte d’entrée de place. Les habitants peuvent ainsi « choisir » leur pays (et les avantages fiscaux associés) en fonction de la position de leur porte d’entrée !

Certains sont indécis et n’arrivent pas à choisir. Ainsi, certaines portes d’entrée on deux numéros de rue, deux sonnettes etc.

Malgré la cacophonie, cette frontière bizarroïde est dorénavant mise en valeur et devient même un atout touristique ! Les différents tracés sont mis en exergue par une succession de croix qui traversent rues et même on l’a vu, les maisons.

Voici quelques photographies qui illustrent sur le terrain cette frontière incongrue.

Étant donné la notoriété que cette frontière donne à Baerle, et dans le contexte de libre circulation de l’Union Européenne, il paraît difficile d’imaginer un changement à court ou moyen terme à l’inverse du cas indo-pakistanais sur lequel je reviendrai dans un prochain article.

En attendant, l’article suivant sera consacré à un autre cas où une frontière passe à l’intérieur même d’un bâtiment : celui de la Bibliothèque et salle d’opéra d’Haskell en Amérique du Nord.

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